« On ne peut plus rien dire », derrière ce poncif, certains se cachent pour évoquer tout et n’importe quoi et surtout porter encore plus loin l’outrance. Que ce soit dans les médias ou au sein de l’éducation nationale, certains thèmes de discussion et certaines questions charrient leur lot de controverses, de polémiques voire de dérapages ou de condamnations. Sexualité, religion, conflits géopolitiques, violences, santé… Comment aborder ces « questions socialement vives » avec des élèves du secondaire tout en les éduquant à la « liberté d’expression » ?
Après la mise en place du cadre légal et formel (définitions, pistes de réflexion…) grâce à l’outil collaboratif Padlet, nous verrons comment mobiliser les ressources de l’EMI pour un atelier de création de contenu journalistique (micro-trottoir) puis nous terminerons par creuser la piste éducative de la DVDP (discussion à visées démocratique et philosophique).
Les trois profils d’étudiants (deux enseignants, de Lettres et d’Arabe, et un journaliste) nous permettent dans la première partie de poser un cadre large mais précis de la liberté d’expression. L’outil collaboratif Padlet, permet à chacun de compléter les définitions (liberté de la presse, liberté d’expression, liberté d’opinion… idée issue de la Révolution française et des Lumières), le cadre légal (la Constitution française, la loi de la République, école républicaine, Charte de déontologie des journalistes…), d’identifier les principales ressources vidéos (notamment sur Lumni), de mettre en lumière des pistes éducatives (par le débat et la DVDP) et finir par un focus sur la caricature et le dessin de presse. Cela nous montre la diversité des thématiques à aborder, que ce soit dans le cadre d’un cours ou d’une activité extérieure avec un intervenant journaliste.
C’est d’ailleurs dans cette direction que nous continuons avec la mise en place d’une réflexion de production de contenu journalistique. En reprenant à notre compte, le slogan du Canard Enchaîné, « La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas » , il nous paraît important de co-constuire la réflexion des élèves sur cette notion complexe en passant par une étape de production journalistique. Grâce au diaporama sonore réalisé sur l’outil Adode Spark, nous pouvons présenter en quelques minutes une définition précise d’un micro-trottoir, comment le réaliser, avec quel matériel et quelle compétences cela mobilise. Cet exercice, réalisé avec un enregistreur ou un simple smartphone, permet à un petit groupe de ¾ élèves, de se poser des questions sur la notion étudiée en préparant des questions ouvertes qu’ils poseront à d’autres élèves et membres de la communauté éducative ou encore mieux à des passants dans l’espace public. Cela permet de questionner la « liberté d’expression » et de recueillir en peu de temps la parole d’inconnus qui auront obligatoirement d’autres avis et points de vue. Par ailleurs, enregistrer la parole puis effectuer un montage audio permet également de comprendre la relation de confiance qui se nouent entre l’intervieweur et l’interviewé et le respect que le premier doit au second (ne pas déformer les propos par le montage).
A partir de la définition de l’EMI sur Eduscol (« Construction du citoyen et cyber-citoyen de demain ») et grâce à la création de contenu, les élèves seront confrontés à la parole des autres et se poseront inévitablement des questions sur la liberté d’expression et ses limites. Les thématiques des micro-trottoirs peuvent être librement choisies par les élèves (qu’est-ce que la liberté d’expression, pourquoi est-elle importante,..). Pour notre part, nous avons choisi de recueillir les avis d’enseignants en formation sur le site de l’Inspé Lyon pour qu’ils évoquent certaines difficultés rencontrées par les élèves ou les équipes lorsqu’ils doivent aborder cette « liberté d’expression »
Que ce soit en cours d’histoire de lettres ou d’arabe, par des enseignants ou des professeurs documentalistes, cette notion complexe de liberté d’expression peut être travaillée de nombreuses manières grâce à l’outil radio mais également par l’échange direct entre les élèves.
Ainsi, notre séquence se terminera par un deuxième travail de groupe (en moitié de classe) mettant en œuvre une DVDP (discussion à visées démocratique et philosophique) sur un sujet choisi par les élèves.
Selon Educscol, « Le débat est par excellence constitutif de l’espace public en démocratie. Comme pratique démocratique, il vise la recherche d’un compromis ou d’un consensus sur fond de divergence des points de vue, voire de conflit. La liberté d’expression a pour corollaire l’acceptation de ces désaccords, qui s’expriment dans le débat. Toutefois, il ne doit pas entretenir l’idée que toutes les opinions se valent. L’expression de la pluralité des points de vue doit se faire dans le respect des valeurs de la démocratie et se référer au cadre juridique qui organise cette liberté. La pratique du débat facilite particulièrement la construction du jugement moral et du civisme chez les élèves. En ce sens, elle se situe au cœur d’une éducation à la citoyenneté. »
Toutefois, organiser un débat entre élèves comporte bien des écueils, voire même des impasses… C’est pourquoi nous leur préférerons la mise en place de « Discussions à Visée Démocratique et Philosophique » (DVDP). Leur objectif est d’assurer un contexte de communication non violente par l’utilisation d’un ensemble de techniques clé en main fournies à l’enseignant, et du même coup transmises aux élèves dans leur formation citoyenne. Le professeur Michel Tozzi, principal artisan et diffuseur de cette approche, en résume ainsi le bénéfice pour les jeunes: « Il s’agit de faire réfléchir les élèves et de faire que chacun puisse progresser dans l’apprentissage de sa pensée grâce à la médiation des autres membres du groupe. Le but ultime est de faire d’un enfant, un adolescent, un citoyen réflexif qui puisse être responsable et acteur dans la démocratie ».
D’autres thèmes de discussion pourront par la suite être choisis même si cet exercice peut avoir ses propres limites : comment traiter de la question de la liberté d’expression lorsque certains sujets (sexe, drogue, politique, religion, éducation…) sont difficilement abordés dans le cadre de l’institution. Il ne faudrait pas oublier pour cet exercice ce que nous rappelle chaque jour la formule de Beaumarchais dans « le Mariage de Figaro » – et dont le journal « le Figaro » a fait sa devise : Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ».
Une publication réalisée par :
DE MARCHI Annette, PIERRE Martin, RADOUAA Mohamed